Maria Fernanda Ordoñez Pinzon est une artiste colombienne née à Bogota (1995). Basée à Genève depuis 2016, elle a fait son Bachelor en Arts Visuels et poursuit son éducation artistique en Workmaster à la HEAD, Genève. Dans son travail, elle s’intéresse à des thématiques liées aux espaces chargés et aux savoirs non académiques. Elle transmet également son expérience de migration, ses origines ainsi que les croyances et les violences qui en découlent.
Maria Fernanda a grandi dans des cercles oraux, dans une ambiance remplie d’histoires et de Conteureuses. Elle a emporté avec elle ces récits et ces outils, devenant elle-même Conteuse. L’histoire qui refait surface ici est celle d’une boîte retrouvée par son grand-père au fond du jardin de sa maison d’enfance. Le doute sur la nature de l’objet plane, c’est peut-être un Guaca, un objet chargé de pouvoirs magiques et superstitieux. Porteuses de croyances sur l'impératif de la laisser fermée, la boîte est donc finalement à nouveau enfouie sous terre, scellée à jamais. Dès cet instant, le sol devient pour Mafe ce lieu rempli de mystères et de questionnements autour de ce qui se cache dans ses profondeurs, le lieu où on cherche des trésors. Les histoires émanent du sol. L’artiste cherche à lire à sous la surface, de creuser afin de comprendre et connaître le souterrain.
Au centre de l’espace de Zabriskie, une série de boîtes forment un rectangle surélevé. Les couvercles des boîtes peintes renvoient à un sol dallé, dont les motifs sont inspirés par les visions troubles provoquées par les migraines. Ces multiples boîtes constituent une mosaïque emplie de secrets, des objets appartenant à des lieux différents, en partie dévoilés durant la performance. Certains sont des trésors cachés, tandis que d'autres sont peut-être maudits.
Cette multitude de réceptacles donne lieu à un spectacle. Lors du vernissage, Maria Fernanda propose une performance dans laquelle elle incarne un clown. Mais pas celui qu’on a pour habitude de voir. Celui-ci vient du Sud, de l’autre côté de l’océan Atlantique. Il vacille sur ce sol surélevé de l’espace de Zabriskie. Il est ridiculisé, mais raconte pourtant la vérité. Par ses trébuchements, il symbolise la démarche instable des migrantexs, qui vacillent et se rattrapent de justesse. Cette instabilité renvoie à la difficulté des chemins de la migration, à ces moments de pertes de repères et de sentiment d’appartenance. Le sol dallé symbolise à la fois cette précarité et cette violence, mais aussi la réconciliation avec le passé et le présent. La précarité devient ici ressource.
Texte et photographies Sophie Conus