Zabriskie ←
2023 mars
Elias Njima - Vivre et mourrir en Paréidolie
Nous sommes tous.tes rendu.es mièvres par notre manière de chercher des indices ; même les meilleur.es d’entre nous ne peuvent s’empêcher de ressentir une bouffée de joie à la vue de fleurs naissantes. Même les meilleur.es d’entre nous s’adonnent à une paréidolie décontractée en fouillant le marché aux puces, à la recherche d’un bibelot qui nous parle,
et qui sait, qui saura nous écouter, voire même nous regarder en retour. En parcourant cette ville, nos yeux cherchent des fleurs, des visages, des formes dans les objets. Nous sommes plongés dans une constante recherche d’indices qui embelliraient notre journée, en fin de compte. Il y a environ de 4 à 2 millions d’années, un.e australopithèque a vu un caillou et y a reconnu un visage. Cet objet suscita son amusement, sa stupéfaction, et d’autres émotions qu’on a oublié, depuis, de ressentir. Quoi qu’il en soit, l’australopithèque emporta le caillou dans sa caverne. C’est ainsi que commence le récit du sens esthétique, avec l’histoire de ce petit caillou de jaspérite qui confirme notre disposition à la pensée symbolique, essentielle à notre développement de l’art et du langage.

Notre cerveau est connecté pour être continuellement à l’affût des visages. Imaginez toutes les informations à traiter : est-ce un visage ? Est-ce que je reconnais ce visage ? Et qu’est-ce que ce visage me dit ? L’esprit possède un outil de reconnaissance faciale intégré, en quelque sorte. Une fois que les traits du visage sont reconnus, ils prennent vie. Souvenez-vous des gargouilles sur la place médiévale, perçues comme moqueuses, imitant les expressions de peur et d’avidité des passant.es et suscitant ainsi l’adhésion à la religion. Pour les drapeaux de Zabriskie, Elias a créé des gargouilles-fleurs perchées au-dessus de nos têtes, qui montent une tendre garde. Les fleurs ont bien un visage, il ne s’agit plus de projection ni d’imitation, mais bien d’anthropomorphisme ; l’adhésion automatisée à l’analogie. Mais comme le dit l’expression : “fleur au fusil”, elles sont peut-être encore, finalement, en train de se moquer de notre naïveté béate.
À l’intérieur de l’espace, ce ne sont plus seulement des barils de fusil que l’on remplit de fleurs, mais tout et rien. Autant de potentiel dans l’incarnation d’un visage que dans un vase. Vous êtes arrivés en Pareidolie, entrez. Ici, les œuvres d’Elias veulent que vous y reconnaissiez ce qui vous est cher et que vous suiviez la lignée des gestes mélodramatiques depuis l’australopithèque.

Texte Yasemin Imre ; Traduction Jeanne Tullen ; Photos Jeanne Tullen et Zoé Aubry